Être bi-national(e) en Grèce

Drapeau franco-grecEtre bi-national(e), signifie-t-il obligatoirement posséder deux nationalités, deux identités?

Le mot «  bi-national » répond en partie à la question puisqu’il signifie « national » deux fois et que l’identité, dans ce cas, se définit par rapport aux deux nationalités, soient celle d’origine qui se rattache au sol et à la langue d’une communauté, puis celle du pays d’adoption qui est acquise sur demande de l’intéressé(e) résidant à l’Etranger et voulant exercer ses devoirs de bi-citoyen(ne).

Qu’est-ce que cela implique par rapport au pays d’origine et au pays d’accueil?

Contrairement au « national » qui est un expatrié « à court terme » et qui subit une expatriation provisoire avec possibilité de retour en France, le bi-national est un expatrié «  à long terme » ou de résidence définitive et qui, conditionné par les liens affectifs et professionnels, n’a pas la perspective de rapatriement. Il en résulte que le bi-national se constitue une deuxième identité par l’acquisition de la langue et de la culture du pays d’accueil qui devient son pays d’adoption, y exerçant ses droits et ses devoirs civiques définis par la nouvelle communauté.

Qu’inspire le Binational aux Nationaux du pays d’accueil et du pays d’origine? Une différence est-elle ressentie?

Ma réponse est fonction de ma longue expérience de Binationale en Grèce mais ne peut  faire l’objet d’une généralisation.

A priori, il semble que les nationaux considèrent les binationaux comme étant favorisés par les avantages qu’offre la bi-citoyenneté : double passeport ou carte d’identité, résidence fixe dans un pays agréable à vivre par son climat, ses rivages, son histoire, mode de vie s’appuyant sur un permissisme envié par beaucoup, bien que vivement critiqué, etc. Toutefois la métamorphose du binational, se faisant au gré de son insertion dans le nouveau pays, accentue la différence qui oppose le « national » rivé à sa langue, sa culture et ses habitudes garantes de sa sécurité, et le « binational » qui acquiert une autre dimension des conceptions sociales, celles-ci dépassant largement les limites du «  national ».

Dès lors le Binational n’est plus des nôtres.

Il s’en suit un comportement réciproque entre nationaux et binationaux où la supériorité financière des uns s’impose au faible profil économique des autres qui, eux,  revendiquent leur expérience et affichent leur supériorité culturelle.

Quitter sa patrie, peut-il être considéré comme une trahison?

C’est ce que l’on m’a fait ressentir quand j’ai commencé à exercer ma profession en Grèce et que je m’y suis installée définitivement.

Tant que l’expatriation se trouve encore à la phase d’expérience, elle est considérée par les nationaux comme une étape naturelle de la vie et elle est bien tolérée. Mais quand l’insertion dans le pays d’adoption est effective et « réussie », elle devient un symptôme de trahison bien que le mot ne soit jamais clairement prononcé. J’ai vécu cette situation avec certains membres de ma famille et aussi des ami(e)s. On guettait ma «  déception » de l’Etranger et on attendait avec compassion le retour de l’enfant prodigue!

Pourquoi le binational a-t-il parfois le sentiment qu’on l’oblige à choisir entre l’une ou l’autre de ces identités?

Au niveau des rapports individuels.

Le « national » n’accepte pas la différence, soit parce qu’il  montre une inaptitude à s’adapter (on mange français, on parle français, on s’habille français, on achète français on ne raisonne que français, etc.), soit un refus de l’effort d’adaptation puisque le temps de résidence à l’étranger est compté. Dans ce cas, il cherche à s’imposer en affichant les valeurs françaises qui soulignent son identité unique, nationale française. Son but est de profiter des avantages que lui offre le pays d’accueil, ce qu’on ne peut lui reprocher. Le binational et ses problèmes lui sont indifférents. On entend souvent la phrase :- «Ne te plains pas, tu as choisi » (sanction ou punition?) ou bien « tu aurais mieux fait de rester Français(e) ».

Au niveau des droits de Français du binational.

Ils sont similaires à ceux des nationaux en ce qui concerne les droits fiscaux (pensions, retraites impôts s’il y a lieu, Sécurité sociale), le droit de vote (sous condition d’immatriculation au consulat) et l’aide à la scolarité qui incombe à l’administration du Lycée franco-hellénique d’Athènes. Le problème des bourses scolaires semble être le plus discriminatoire en ce qui concerne les binationaux.

Au niveau de l’identité.

La tendance est à la régression avec la formulation du retour à une seule identité nationale, ce qui obligerait le jeune binational de 18 ans à « choisir ». Or le binational issu de couple mixte, n’a pas à choisir son identité. Elle lui incombe dès le berceau. Il EST binational de fait et doit ignorer cette fausse option qui consiste à opérer une dé-nationalisation pour aboutir à une re-nationalisation.

La démagogie  nationaliste n’a pas de place dans les valeurs de la démocratie et ceux qui l’exercent ou la proclament, devraient rougir de honte.

L’enfant binational aura toujours l’avantage des deux langues et de l’assimilation à deux cultures vécues simultanément, sans passer par l’intégration.

Toutefois, je voudrais souligner l’existence d’une confusion (volontaire ou non) entre « naturalisation » et « nationalisation» : la naturalisation consiste à ne choisir qu’une seule identité, alors que la nationalisation permet le choix d’une deuxième identité (ou plus) en fonction des séjours à longs termes prolongés à l’Etranger, Certains pays dits démocratiques, obligent l’étranger à opter pour la nationalité exclusive du pays d’accueil, donc à renier son identité initiale. Serait-ce l’actuelle tendance, vaguement formulée, de certains pays européens dont la France? A nous, les binationaux, de rester vigilants et informés sur la question.

Quelles sont vos conclusions?

Je pense que les nationaux et binationaux ont des intérêts communs et qu’ils doivent se dégager des conceptions « nationalistes » qu’on veut leur imposer, en préservant par le vote, leurs acquis pour les uns, et leurs droits pour les autres.

Les nationaux sont les ambassadeurs de l’économie européenne alors que les binationaux sont les ambassadeurs de la langue et culture françaises qui permettent les échanges dans les domaines économique et culturel. Les deux communautés doivent conjuguer leurs efforts dans la concrétisation d’une Europe unie, bien compromise à l’heure actuelle. Les pays européens prennent conscience d’une crise qu’ils ont suscitée. Puisse-t-on l’enrayer à temps par des actes de solidarité et non par le désaccord.

Il me semble que le processus est en marche.

Annie Hatzinotas
Sympathisante de Gauche

 Article publié aussi en 2013

         

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